vendredi 12 novembre 2010

L'Empotée et le havre

Je sais pas pour vous, mais moi, dans la vie, j'ai un grand besoin de me reposer, de prendre soin de moi, de me ressourcer moralement et psychologiquement. Je vis relativement bien avec ça, justement parce que j'en suis consciente et donc que je m'organise pour être attentive à mes besoins à cet égard. C'est pourquoi, par moment, il y a des périodes dans ma vie où tout m'irrite et d'autres où tout me glisse sur le dos, comme si non seulement j'avais les plumes d'un canard, mais en plus, que ce canard était soit complètement gelé, soit très versé dans l'art de la méditation zen.

J'ai remarqué que, souvent, ça a à voir avec l'espace dans lequel je vis mon quotidien. Si je travaille à temps plein à l'hôpital, je suis déjà plus irritable parce qu'on a pas de lieu personnel, à nous, pour nous reposer. Ou si oui, c'est minuscule, mal propre, pas accueillant ou à partager. C'est bien le partage, mais seulement quand on a le loisir de choisir de le faire, pas quand c'est imposé. Donc bon.

Dans les dernières années, j'ai eu deux havres de paix dignes de ce nom. On s'entend, un havre de paix, ça reste symbolique et idéalisé, parce qu'on n'est jamais à l'abri de l'assaut de l'intimité des autres dans la nôtre, surtout pas en ville.

Il y a cette fois où j'ai eu un grand 3½ pour moi seule. Les murs étaient un peu cartonneux, les voisins plus ou moins recommandables, mais entre 22h30 et 4h du matin, parfois, l'hiver, c'était l'extase de la quiétude. Un bain, un livre, des chandelles... Et quand j'étais tannée d'être trempée, je passais du bain au lit. Toujours dans une sorte de chaleur enveloppante, c'était divin. Encore plus si la neige tombait toute la nuit et que je pouvais l'observer de temps à autre, au chaud sous les couvertes, par la fenêtre de ma chambre.

L'autre havre, il ne m'appartenait pas. Et peut-être que c'était là toute la beauté de la chose. C'était chez un ex, dans son appartement grinçant et mal isolé. Mais l'endroit avait un petit côté très sympa, accueillant. Lorsqu'il partait travailler, ou parfois la fin de semaine quand je ne travaillais pas, je pouvais rester presque toute la journée soit au lit, avec la fenêtre de la chambre ouverte pour la petite brise, soit avec un livre, évachée sur le divan du salon, à tenter d'être une étudiante modèle en lisant Lorenzaccio de Musset. La fenêtre avait son petit côté double-tranchant cela dit, vu qu'il restait à côté d'une école, les bruits de la cours et de la cloche pouvaient finir par être désagréables, mais ça aussi, ça avait son charme. Son appartement avec quelque chose de sa personnalité à lui, une sorte de candeur un peu paternelle, sécurisante. C'était enveloppant là aussi. Mais bon, autant oui, je pouvais m'y sentir à mon aise, autant ce n'était pas chez moi, je n'étais pas dans mes affaires. Je ne suis pas restée avec lui assez longtemps pour me sentir libre de fouiller dans la cuisine ou d'amener mes produits de fille pour mes cheveux et ma peau.

Ces temps-ci, je me sens agressée par tout et n'importe quoi, par moi-même aussi parfois. J'ai des plans, à long terme, pour en retrouver un havre, équivalent (ou mieux). Et donc, c'est un peu comme un mantra dernièrement. À chaque fois que j'en peux plus, je me dis que je pars bientôt. Ça aide, oui, j'ai simplement peur de mettre beaucoup de pression sur les épaules du prochain oasis sur lequel j'ai jeté mon dévolu. J'ai peur que ça fasse comme pour le cinéma : plus les attentes sont élevés, plus on finit par être déçu. (Je préfère rabattre le concept au cinéma, je trouve que les gens ne méritent pas d'avoir encore plus de pression quant à la possibilité de décevoir les autres que ce que le quotidien leur inflige déjà de prime abord.)

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